ElaNavaVa
Une révolte par les larmes est-elle possible ?
On peut pleurer tout seul, dans son lit, pour une raison personnelle. On peut aussi verser des larmes-alibi, des larmes de crocodile. Mais il arrive qu’on laisse simplement, sans l’avoir prévu, éclater ses sanglots devant autrui. Pleurer est intime - les larmes ne viennent-elles pas du dedans ? - mais pleurer, c’est aussi une façon de s’adresser à l’autre, de s’ouvrir à l’autre, puisque les larmes sortent de nos yeux et deviennent comme des petits éclats de cristal sur notre visage vus par l’autre. Pleurer nous défigure peut-être. Mais, en même temps, celui qui «perd contenance» en pleurant s’adresse à l’autre comme si ses larmes étaient les «amers» - vous savez, c’est le mot qui désigne, chez les marins, des points de repère dans la mer - de nos pensées, de nos désirs. La pure intimité, cela n’existe pas. On s’adresse toujours plus ou moins à un autre.
Pleurer peut donc - mais pas toujours, évidemment - avoir une résonance critique, donc politique. Le fait de pleurer est une façon de «porter plainte» et de s’emparer du pouvoir, pour ceux qui en sont fondamentalement privés.
[D’après Georges Didi-Huberman]
Le Chœur de chambre ElaNaveVa élabore une forme moderne et chorale de Blason, ou bien un inventaire secret, une très originale anthologie des larmes.